Pouvez-vous vous fier à la chaîne d’approvisionnement des médicaments? Par quelle étapes votre médicament préféré une fois la fabrication terminée, passent-ils pour atterrir jusqu’à votre armoire de pharmacie à la maison ou du moins à l’endroit où vous gardez vos médicaments à la maison?

La chaîne d’approvisionnement des médicaments est une des chaînes d’approvisionnement les plus complexes qui soit. Des critères de qualité sévères doivent être respectés à chaque étape de la dite chaîne. Cette chaîne d’approvisionnement est souvent longue et peut impliquer non seulement plusieurs usines appartenant ou non à la même firme mais aussi ces usines peuvent se situer dans plusieurs pays et dans plusieurs continents. Il n’est pas rare de voir que le principe actif est fabriqué en Chine ou en Inde, ensuite une étape de la fabrication du médicament commence au Canada, une deuxième étape aux États-Unis ou en Europe, et finalement le conditionnement primaire en blisters ou bouteilles ainsi que l’emballage secondaire se réaliser en Afrique ou en Amérique latine.

Le choix des sites de production est dicté par des impératifs économiques, technologiques, de réglementation et des circuits de distribution. La production d’un médicament commence toujours par la fabrication du principe actif généralement en Chine ou en Inde. Les usines qui fabriquent ces principes actifs doivent répondre aux normes des Bonnes Pratiques de Fabrication, BPF. Ces usine doivent être homologuées par des autorités réglementaires compétentes de tutelle dans le pays de fabrication et par d’autres pays, les agences réglementaires reconnues comme Santé Canada ou la « Food and Drug Administration (FDA) » américaine, l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), etc. Par ailleurs, ces usines font l’objet des inspections réglementaires régulières de la part de ces mêmes agences réglementaires. Dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne, l’organe de régulation du médicament est la Direction de la Pharmacie et du Médicament, en abrégé, DPM, auprès du ministère de la Santé.

De plus, ces usines de fabrication des principes actifs, doivent respecter un cahier de charge très stricte édicté par les firmes pharmaceutiques et les agences réglementaires à travers le monde. Des normes de qualité très précises sont régulièrement publiées par des organismes indépendants appartenant à des pharmacopées reconnus internationalement. Il est question par exemple de l’United State Pharmacopeia (USP), de l’European Pharmacopeia (EP), de la British Pharmacopeia (BP), de la Japanese Pharmacopeia (JP) pour ne citer que les plus utilisés et le plus courants. Chaque lot de principe actif doit être fabriqué selon des recettes éprouvées et approuvées par les autorités réglementaires selon des normes de qualité biens précises et rencontrer tous les critères de qualité avant d’être utilisé en production pharmaceutique. Le dossier final de fabrication et d’analyse de chaque lot est révisé et approuvé par des professionnels de l’assurance qualité du fabriquant du principe actif et de la firme pharmaceutique qui l’utilisera dans la fabrication du médicament.

Pour faciliter sa manipulation lors de la production du médicament à l’usine et aussi par le pharmacien ou le patient, des substances plus ou moins inertes, appelées, excipients sont ajoutés au principe actif à différentes étapes de la fabrication suivant un mode opératoire bien déterminé et approuvé. Un médicament peut contenir en moyenne jusqu’à 5 excipients; chaque excipient jouant un rôle spécifique. Par exemple, un excipient peut servir à faciliter la dissolution du médicament, son écoulement dans les équipements lors de la fabrication, à éviter de coller sur les parois des équipements de fabrication, à masquer l’amertume, à colorer le médicament, ainsi de suite. La liste de ces excipients est fournie sur la notice du médicament ou sur la boîte d’emballage du médicament. Ces excipients doivent répondre à des normes de qualité sévères, souvent édictées par les mêmes organismes de réglementation comme l’USP, l’EP, le BP, le JP. Notamment une attention particulière est portée à ces excipients pour s’assurer de l’absence des germes microbiologiques pathogènes, incluant les bactéries, les virus, les prions, substances responsables de l’Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) pouvant entraîner la maladie de la vache folle. Un système de certification a été développé par l’Union Européenne et est en passe d’être adopté par tous les pays à travers le monde pour assurer la qualité, la sûreté et la sécurité des principes actifs et des excipients tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Finalement, la forme posologique finale du médicament, est obtenue par le mélange du principe actif ou des principes actifs avec les différents excipients pour aboutir au comprimé, à la gélule (capsule), à la fiole pour injection, etc., en suivant une recette éprouvée et approuvée par les autorités réglementaires. Le conditionnement final en blisters, en bouteille ou en fiole pour injection, est obtenu par d’autres usines spécialisées dans l’emballage primaire et secondaire. Il va de soi que toutes ces usines répondent aux normes des Bonnes Pratiques de Fabrication. Elles doivent être homologuées par les autorités de tutelle du pays de fabrication du médicament et des autres pays tels que Santé Canada, la US FDA, l’AFSSA, etc. Ces usines sont également inspectées par ces mêmes autorités réglementaires à intervalle régulier pour faire respecter la réglementation. Des amendes sévères et même des peines d’emprisonnement fermes peuvent résulter du non-respect des normes de Bonnes Pratiques de Fabrication par les dirigeants des firmes pharmaceutiques.

Tout au long de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, de leur transport et de leur entreposage, ils doivent être conservés à des conditions environnementales contrôlées, à savoir à des conditions précises de température et l’humidité. La date de péremption du médicament est fonction de la température et d’humidité. Le non-respect de ces conditions environnementales peut altérer et même rendre toxiques les médicaments. Il est donc impératif de respecter les conditions d’entreposage des médicaments indiqués sur l’étiquette du médicament même chez vous à la maison. Une fois la production du médicament terminée, il est stocké dans les entrepôts à température et humidité contrôlée. Ces entrepôts doivent répondre aux normes des Bonnes Pratiques de Distribution édictée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et d’autres agences réglementaires. Ces entrepôts sont aussi homologués par les mêmes agences réglementaires. Il est de plus en plus fréquent que les firmes pharmaceutiques recourent à des firmes spécialisées dans la gestion de la logistique, la gestion des stocks, le transport et l’entreposage des médicaments. Des firmes comme Bolloré Africa Logistics, UPS, DHL, etc. jouent de plus en plus ce rôle. Les conditions de températures et d’humidité doivent être maintenues pendant le transport et le transit du principe actif, des excipients et des médicaments. Les firmes de transport spécialisées, prennent ainsi le relais pour assurer l’intégrité des conditions environnementales pendant le transport.

Cependant, les firmes pharmaceutiques ont la responsabilité de s’assurer que les firmes de logistique et de transport, adhèrent aux normes des Bonnes Pratiques de Distribution pharmaceutique. Un élément essentiel dans la fabrication et dans la chaîne d’approvisionnement des médicaments, est la traçabilité. Toutes les matières premières, incluant, les principes actifs, les excipients, les contenants d’emballage primaire comme les blisters, les bouteilles, les bouchons, etc., ainsi que les emballages secondaire telles que les boîtes de carton, doivent avoir un système de traçabilité sans faille pour assurer la qualité, la sécurité et la sûreté des médicaments. Ce système permet aussi un retrait efficace sur le marché d’un lot des médicaments défectueux ou lorsque des problèmes de non-qualité sont détectés dans une usine en particulier. Ces aspects de sécurité et sûreté sont maintenant prépondérant afin de protéger l’intégrité de cette chaîne d’approvisionnement très sensible des médicaments. Il en est de même des grossistes privés et des organismes spécialisés dans le commerce de gros et/ou de distribution des médicaments. Leurs entrepôts doivent également répondre aux mêmes normes de Bonnes Pratiques de Distribution que les firmes pharmaceutiques, incluant l’entreposage et le transport.

Les mêmes exigences s’appliquent à votre pharmacie qui doit assurer le maintien de la chaîne de température et humidité des médicaments. En général, le pharmacien ne prend aucun risque dans ce domaine en climatisant tout simplement son officine. En tant que dernier maillon de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, le patient ne doit pas négliger cet aspect de maintenir l’entreposage du médicament chez lui à la maison à la bonne température et au bon niveau d’humidité. Il est donc impératif de prendre bonne note des conditions d’entreposage des médicaments indiqués sur l’étiquette ou sur la boîte et s’y conformer. Le non-respect de cette consigne peut annihiler les effets bénéfiques d’un médicament et même dans certains cas extrême rendre le médicament toxique ou du moins inefficace.

Cet article a été préparé et révisé par Dr. Jean-Pierre Metabanzoulou, Ph. D., MBA. Il détient un doctorat de Chimie de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg en France ainsi qu’une maîtrise de chimie appliquée de la même Université. Il a également obtenu une maîtrise en administration des entreprises à la Smith’s School of Business, à Kingston, au Canada. Il a fait ses études postdoctorales à l’Institut de Chimie Minérale et Analytique (ICMA) de l’Université de Lausanne en Suisse. Après une courte carrière académique, Dr. Metabanzoulou travaille depuis plus de 25 ans maintenant dans l’industrie pharmaceutique dans le secteur privé aussi bien pour l’industrie pharmaceutique innovatrice que générique au Canada, en Suisse, en France ainsi qu’en Afrique.