Un nouveau médicament, aussi appelé médicament innovateur ou d’origine, demande en moyenne entre 10 et 15 ans d‘études à partir de la préparation de la substance active, ou «principe actif». La découverte d’un médicament commence par l’identification d’un mécanisme ou d’une série des mécanismes biologiques qui conduisent à une maladie ou à une déficience. Pour moduler cette déficience en partie ou en totalité, les scientifiques synthétisent des molécules chimiques ou des substances biologiques qui seront testées pour confirmer leur activité sur le mécanisme identifié. Dès la synthèse, un brevet est déposé aux différents organismes nationaux et internationaux à travers le monde, notamment dans les pays développés, pour protéger l’invention du nouveau médicament. Dans la plus part des pays, la durée de la période d’exclusivité de ces brevets est de 20 ans.

Pour les médicaments de synthèse, des dizaines des milliers des molécules sont ainsi créées et testées au laboratoire. Finalement seules les quelques molécules les plus prometteuses seront retenues. Une seule molécule deviendra le médicament commercial. En moyenne, 1 molécule sur 10 000 – 15 000 molécules testées, deviendra un médicament. Chaque principe actif est d’abord testé au laboratoire. Ensuite il sera testé sur les animaux. Finalement, le métabolisme, le niveau d’exposition par dose, l’innocuité et l’efficacité du nouveau médicament, seront évaluées et testées, sur les humains. Le test sur les animaux permet de projeter des paramètres d’innocuité et le profil des bénéfices par rapport aux risques du futur médicament avant de l’administrer aux êtres humains. Une fois que le profil des bénéfices par rapport aux risques du nouveau médicament est jugé favorable par la firme pharmaceutique qui développe le médicament et par les agences réglementaires à travers le monde, le médicament pourra être étudié sur les humains en suivant des phases cliniques bien déterminées.

Trois phases cliniques sont nécessaires pour tester le médicament chez des humains. Pendant la phase clinique I, le médicament est étudié dans une batterie d’études cliniques sur des groupes de 20 à 100 personnes, généralement sur les volontaires sains pour déterminer son absorption, sa distribution, son métabolisme et son excrétion, Cela permet de connaître l’effet du médicament dans le corps et l’effet du corps sur le médicament. Certains médicaments dont on sait par nature qu’ils sont toxiques, par exemple les produits anticancéreux, ne sont pas étudiés sur les volontaires sains et peuvent être testés directement sur les malades.

La phase clinique II, consiste à assurer que le médicament a bien la fonction désirée chez l’être humain malade. A cette étape du développement, on détermine la dose optimale du médicament et ses éventuels effets indésirables sur une population de moins de 500 patients en moyenne. Les études cliniques de phase II sont subdivisées en deux phases IIa et IIb. La phase IIa estime l’efficacité de la molécule sur un nombre limité de 100 à 200 patients semblables pour éviter qu’une trop grande diversité entre les individus empêche de mettre en évidence l’efficacité du nouveau médicament. La phase IIb détermine la dose thérapeutique de la molécule sur une plus grande échelle d’au moins 100 à plus de 300 malades.

Les vrais tests pour déterminer si le médicament sera approuvé par les agences réglementaires sont les études de phase III ou « études pivot » qui sont les études comparatives d’efficacité proprement dites. La Phase III compare le traitement soit à un placebo, soit à un traitement de référence. La comparaison au traitement de référence, quand il existe, est de plus en plus préférée par les agences réglementaires. Dans les études de phase III comme d’ailleurs dans les études de phase II, le participant et son médecin ignorent qui reçoit le médicament expérimental ni sa dose; Ils ignorent aussi qui reçoit le placebo ou le traitement de référence. On dit de ces études qu’elles sont faites en double insu. Les cohortes de patients sont de taille importante, souvent constituées de plusieurs milliers d’individus, voire plusieurs dizaines des milliers.de patients. Contrairement à la phase II, les études de phase III se font dans des cohortes de malades qui ressemblent plus aux malades de la population en général. Cependant des critères s’appliquent à l’inclusion des participants dans ces études. Les coûts associés à cette phase, sont très élevés. Compte tenu des enjeux financiers, les firmes pharmaceutiques, les agences réglementaires et les comités d’éthiques, doivent redoubler d’attention pour éviter des dérives éthiques, qui ont été parfois dénoncées dans certains programmes. Ce sont les études de phase III qui permettront de déterminer les usages acceptés des produits, que l’on nomme aussi les indications du produit.

La phase IV ou post-marketing est le suivi à long terme d’un traitement alors que le traitement est autorisé sur le marché. Ce sont des tests dans la « vraie vie » du médicament. Les études de Phase IV peuvent permettre de dépister des effets secondaires rares ou des complications tardives liées à l’utilisation d’un produit. On utilise aussi la phase IV pour valider les habitudes des médecins prescripteurs et la conformité dans l’utilisation du produit par les malades. Il va sans dire que la mise au point d’un nouveau médicament, nécessite non seulement la collaboration d’une équipe multidisciplinaire mais aussi des approbations des autorités réglementaires comme Santé Canada ainsi que des comités de recherche et d’éthiques indépendants. À chaque phase clinique ou non-clinique, le futur médicament doit respecter des critères sévères.

On estime en moyenne entre 6 et 7 ans le temps nécessaire pour développer un nouveau médicament en phase clinique. Lorsqu’un nouveau médicament est finalement mis sur le marché, il ne reste en moyenne que 10 ans de durée de vie au brevet pour que la firme pharmaceutique qui l’a mis au point, puisse le commercialiser en exclusivité. Tout au long du développement du médicament, sa formulation, ou plus simplement, sa recette est affinée au fur et à mesure pour aboutir à une recette finale au moment de la demande de mise en marché du nouveau médicament aux autorités réglementaires. Le produit qui sera commercialisé est le même que celui qui a été utilisé en phase III.

Tous les facteurs pouvant influencés la qualité du médicament sont étudiés. Il s’agit notamment de la source et la qualité du principe actif, de sa stabilité, de la source et de la qualité des excipients, des contenants d’emballage primaire, de l’effet de la température sur le médicament, incluant les températures extrêmes pouvant subvenir pendant le transport et le transit, de l’effet de la lumière sur le médicament, etc. Il en résulte un dossier scientifique et technique préparé par la firme pharmaceutique développant le nouveau médicament et qui est soumis aux autorités réglementaires à travers le monde pour son homologation. Cela prend entre 1 et 2 ans aux autorités réglementaires pour prendre la décision finale d’approuver ou non le nouveau médicament.

Un processus formel d’interaction par des réunions face à face et par des communications écrites entre les agences réglementaires et la firme pharmaceutique, est nécessaire avant que les agences réglementaires comme Santé Canada puisse rendre la décision finale. Au bout de ce processus, le médicament est soit approuvé soit refusé. Dans certains cas, les agences réglementaires peuvent exiger des études supplémentaires avant d’approuver le médicament. Une fois approuvé, le médicament, doit être non seulement utilisé mais aussi fabriqué, entreposé et distribué à l’intérieur des paramètres, pour lesquels le médicament a été autorisé. Tout changement pouvant altérer ces paramètres, doivent être préalablement approuvés par les agences réglementaires avant d’être implantés.

Cet article a été préparé par Dr. Jean-Pierre Metabanzoulou, MBA, Ph. D. Dr. Metabanzoulou détient un doctorat en Chimie de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg en France ainsi qu’une maîtrise de chimie appliquée de la même Université. Il a également obtenu une maîtrise en administration des entreprises à la Smith School of Business, à Kingston, au Canada. Il a fait ses études postdoctorales à l’Institut de Chimie Minérale et Analytique (ICMA) de l’Université de Lausanne en Suisse. Après une courte carrière académique, Dr. Metabanzoulou travaille depuis plus de 25 ans dans l’industrie pharmaceutique aussi bien dans l’industrie novatrice que dans le générique, et ce au Canada, en Suisse, en France ainsi qu’en Afrique.